9ème Cross International de Lausanne
Ce CR un peu particulier est divisé en deux parties :
- Une présentation de l'organisation de la compétition
- Le CR de ma course
1. Organisation
Pour beaucoup de coureurs, une compétition consiste à se rendre sur place le jour de la course, prendre son dossard, s'échauffer, aller sur la ligne de départ quelques minutes avant la course, courir, prendre son prix souvenir et éventuellement se doucher et assister à la remise des prix.
Pour que tout ceci puisse se dérouler aussi simplement, il y a en arrière-plan une multitude d'activités d'organisation qui ont du être effectuées, et dont le coureur ne voit effectivement que la partie émergée.
Je vais essayer dans ce qui suit de vous donner une idée de ces activités. Il s'agit d'un résumé, car il y en aurait pour remplir des volumes.
Plusieurs mois avant la course
Les premiers préparatifs consistent à effectuer un debriefing de l'édition précédente pour identifier des améliorations possibles, déterminer la date de la prochaine édition et les changements principaux. Un budget prévisionnel est établi.
Il faut relancer les sponsors existants et en prospecter de nouveaux. Plusieurs séances de comité servent à affiner la planification et déterminer les activités/rôles de chacun.
Quelques mois avant la course
Il faut contacter les différents prestataires de service (speaker, sécurité, chronométrage, cantine, électricien, prix en nature, médecin, imprimeur, etc.) pour s'assurer de leur disponibilité pour les dates de la manifestation, obtenir des devis et passer des commandes.
Le planning détaillé des courses et des remises de prix est établi.
La communication est lancée, il faut concevoir le flyer et l'affiche, les faire imprimer et les distribuer, notamment en se rendant physiquement sur d'autres courses. Le site Web est mis à jour.
Un dossier d'autorisation de manifestation est soumis à la municipalité. Celui-ci doit être approuvé par les différents services de la ville : Police (sécurité, directives pour la sono, parcage, jalonnement), Assainissement (protection de l'environnement, directives sur le tri des déchets, fourniture de poubelles), Police du commerce (directives cantine, autorisation de vendre de l'alcool), Parc et forêts (utilisation du domaine public, protection de la nature), Energie (fourniture d'électricité), Service des sports (mise à disposition de matériel et services), etc.
Pour chacun de ces services, il faut indiquer nos besoins dans le détail : barrières métalliques (vaubans), véhicules, tentes, gilets fluos, marteaux, pelles, podium, etc.
Les volontaires sont recrutés parmi les trois club d'athlétisme/course à pied qui organisent le Cross.
Quelques semaines avant la course
Les inscriptions en ligne sont ouvertes et il faut se coordonner avec le chronométreur. Certains clubs fournissent des listes d'inscription qu'il faut vérifier et entrer dans le système. Il faut gérer les problèmes d'inscription.
Il faut s'assurer auprès de tous les intervenants que ce qui est attendu d'eux est clair et qu'ils pourront le fournir le jour de la course.
La communication s'intensifie, que ce soit sur les médias sociaux, par des communiqués de presse ou des interviews.
Une semaine avant la course
Le nombre de dossards et de puces qui sont commandés doit être déterminés 6 jours avant la course : si on en commande trop, il faudra payer pour rien des dossards et des activations de puce, si on en commande pas assez, il faudra refuser des coureurs.
La veille de la course
Le montage de la course débute dès que la lumière est suffisante, soit vers 8 heures en plein hiver. Nous utilisons une partie d'un parking public qui a été bouclé la veille par la police.
La grande tente qui sert de cantine est montée durant la matinée et son chauffage installé. Les poubelles et toilettes sont mises en services et placées sur le site. Les différentes petites tentes pour les inscriptions et les coureurs sont montées et mises en place.
L'équipe du parcours prépare la boucle de 1 km, en créant des corridors soit avec des barrières métalliques (vaubans), soit avec des barres plantées dans le sol et reliées entre elles par de la bande plastique (rubalise). Il y a plusieurs centaines de vaubans qui sont amenés à bras d'homme sur le terrain depuis les zones de dépose. Il faut faire attention de laisser des passages ouverts pour le public qui doit pouvoir continuer à profiter de cette zone de détente pendant le montage. Comme un cross se court avec des pointes, il faut poser des tapis "mous" sur les zones dures (routes) à traverser.
L'électricien avec sa grande échelle tire des câbles électriques dans les arbres afin d'alimenter la cantine, le bureau et la zone d'arrivée. Une amenée d'eau est tirée pour la cantine.
Les services de la ville effectuent le fléchage du site pour permettre aux participants de trouver le départ, les inscriptions, les toilettes ou les vestiaires. Le podium et l'arche d'arrivée sont montés.
L'équipe de la cantine amène le matériel de cuisine, les boissons et denrées et place les tables et bancs.
L'équipe du bureau monte le stand d'inscriptions et de remise des dossards.
Le trésorier amène le cash nécessaire pour les prix en espèce et les fonds de caisse de la cantine et des inscriptions sur place.
La secrétaire prépare les bons pour la caisse de la cantine ainsi que pour la subsistance des bénévoles.
L'équipe des prix prépare les différents lots.
Les différentes banderoles publicitaires des sponsors, qu'il a fallu aller chercher auparavant, sont placées sur le parcours, aux abords du podium et sous la cantine.
En fin de journée, un briefing permet de régler les derniers détails. Avant de quitter le site, il faut accueillir l'agent chargé de la surveillance du site pendant la nuit et lui indiquer sa mission.
Les heures précédant la course
Le premier arrivé relève l'agent de sécurité vers 7h00. L'équipe de chronométrage arrive à 7h30 et amène les dossards et les fiches d'inscription sur place, permettant au bureau d'être opérationnel dès 8h30, où les premiers coureurs arrivent. Une navette est organisée entre le bureau et le bus de chronométrage pour lui transmettre les inscriptions sur place.
Le bus de chronométrage ainsi qu'un camion et sa remorque sont installés près de l'arrivée. Le pont du camion sera utilisé par le speaker et pour son ordinateur par lequel le chronométreur lui donnera des informations en live.
La zone d'arrivée est montée et les tapis de détection posés et testés. La ligne de départ est tracée à la chaux. Le speaker installe la sonorisation.
L'équipe médicale prend ses quartiers et prépare son matériel (brancard).
A 9h15, le site est prêt pour la première course qui part à 10h15.
Pendant les courses
Un starter homologué cadence les différents départs selon le plan horaire et en coordination avec le chronométrage. Ce dernier enregistre les temps de passage et d'arrivée, produit les listings correspondants et continue à entrer les inscriptions sur place.
Le bureau fonctionne de manière continue pour la remise des dossards et les inscriptions sur place, en doublant parfois les files en cas de grande affluence. Un bénévole est dédié à l'information et à la gestion des cas particuliers, afin que le flux normal ne soit pas ralenti.
Nous avons eu cette année la chance de disposer de deux speakers, qui ont pu se relayer ou faire des interviews sur le terrain pendant que l'autre commentait la course.
L'équipe du parcours assure sa sécurité en informant et canalisant le public qui désire traverser la piste. Elle s'assure aussi de l'état de la boucle et la remet en état si nécessaire.
L'équipe d'arrivée compte les tours des premiers et les aiguille vers l'arrivée au dernier tour. Elle récupère les puces des dossards qui doivent être restituées au chronométrage.
Une autre équipe distribue les prix souvenir et boissons après l'arrivée.
Une responsable de l'animation est chargée d'aller chercher les classements auprès du chronométrage, de les afficher et de coordonner les cérémonies. En phase avec l'équipe de remise des prix, elle assiste le speaker en lui remettant les listes de podium. Une spécialité du Cross de Lausanne est que les concours par nation demandent que soient joués les hymnes nationaux des nations gagnantes - ceci implique une bonne coordination, et de ne pas se tromper d'hymne.
L'équipe de la cantine vend des boissons et prépare des repas chauds, notamment durant le coup de feu de la pause de midi.
Après les courses
Une fois le dernier coureur arrivé, vers 16h15, le démontage du site commence immédiatement, car il ne reste plus qu'une heure et quart de lumière
.
Les piquets et la rubalise sont enlevés du parcours. Les vaubans sont ramenés (toujours à bras d'homme) et regroupés par tas de 20, tous dans le même sens, sur les zones de dépose. Les arches sont dégonflées et rangées.
Les petites tentes sont démontées et repliées. Les banderoles sont décrochées et regroupées.
L'équipe de chronométrage tire les listings finaux, récupère les tapis de détection, les puces, range son bus et quitte le site. Le speaker démonte et range la sono, le camion du speaker quitte le site.
Les différentes tables et bancs de la cantine sont ramenés sur les lieux de dépose et disposés selon les prescription de la Ville. Le petit matériel est récupéré et chargé dans les coffres de voiture des responsables correspondants.
L'électricien démonte ses câbles.
Tout ceci est effectué en à peine une heure, et il ne reste sur le site plus que la tente de la cantine, les toilettes et les tas de tables et de vaubans.
L'équipe d'organisation et les bénévoles peuvent alors se détendre autour d'un verre de l'amitié bien mérité.
Les toilettes sont vidées durant le weekend. Le lundi, la tente sera démontée et le matériel restant récupéré par la ville.
Après la manifestation
Les activités ne sont pas encore terminées. Il faut encore publier les résultats et mettre à jour le site web. Il y a des réclamations et des demandes d'information sur les classements à traiter. La chasse aux puces non restituées est ouverte. Les factures des fournisseurs sont à régler et il faut boucler les comptes. Les sponsors et autorités diverses sont à remercier ou à relancer le cas échéant.
Enfin, il faut planifier la séance de débriefing qui lancera l'organisation de la prochaine édition et la boucle est bouclée.
2. CR
En 2013, lors de ma première édition du Cross en tant que directeur, j'avais décidé de ne pas courir, car le rôle d'organisateur est suffisamment exigeant pour ne pas y ajouter le stress d'une course.
Cette année, je me suis réservé la possibilité de courir, mais seulement si l'organisation "roulait" bien et me permettait de m'absenter une petite heure. Mon objectif principal en 2014 est de bien me classer au Trophée lausannois - en effet, je passe cette année en catégorie M50 où je suis parmi les plus jeunes, et ai donc l'occasion de faire des bons résultats. Je veux donc participer au plus grand nombre possible de courses du Trophée, et le Cross International de Lausanne en fait partie.
En plus des préparatifs d'organisation, à l'aube du jour de la course j'ai vissé les pointes de 12mm de mes chaussures de cross et préparé ma tenue. En cours de journée, je suis allé chercher mon dossard (je m'étais inscrit à l'avance, en payant le plein tarif), à la stupéfaction de la bénévole du bureau qui pensait que je venais la tester.
En début d'après-midi, j'ai un coup de chaud, car une équipe d'inspecteurs anti-dopage arrive à l'improviste pour contrôler des athlètes des courses élites. Je soutiens 100% cette action, mais comme organisateur c'est un stress important, car il faut d'urgence leur organiser un local qui doit satisfaire à certaines conditions. Je crains de devoir renoncer à courir afin de gérer cette situation imprévue.
Je participe à la remise des prix des courses élites en remettant le coupe de la victoire par nation à l'équipe suisse et alors que retentissent les derniers accords de notre hymne national et que les contrôleurs anti-dopage s'en vont, je prends ma décision : je cours !
Je profite de mon statut de directeur pour aller me changer dans le petit module chauffé qui sert de bureau et de lieu de repos pour les bénévoles. Ma course part dans 20 minutes. Il m'en faudra 5 pour me préparer et mettre mes pointes, m'en laissant 10 pour m'échauffer. Mes jambes sont lourdes, je ne me suis pas encore assis de la journée.
Je retrouve les copains sur la ligne de départ, mais je me rends compte qu'ayant changé de catégorie, mes adversaires ne sont plus les mêmes, il va falloir que je les repère.
Étant en traitement d'une tendinite du fascia lata (syndrome de l’essuie-glace) au genou droit et dans des conditions de stress et de fatigue incompatibles avec une performance, je débute ce cross sans pression, avec pour seul objectif de terminer sans blessure.
Notre starter homologué lache son coup de feu à 15h10 pile, heure que j'avais fixée il y déjà plusieurs mois. Le départ du Cross de Lausanne est particulier, car il s'effectue dans un couloir très large. Étant vers le 5ème rang, je suis en fait presqu'à l'arrière de la course !
Je pars tranquillement laissant le peloton se décanter sur la première des 8 boucles d'un km à parcourir. Le terrain est boueux par endroits, notamment le long des trois grands virages, et je me félicite d'avoir chaussé des pointes. Certains concurrents de mon niveau qui n'en étaient pas équipés finiront plusieurs minutes après moi. Je franchis sans problème les quatre obstacles (troncs) de 40 cm, selon la technique apprise en école de course. Au lieu de lever le pied selon l'axe, je procède à une ouverture de la hanche qui lance le genou de côté plutôt que le pied en avant.
Après ce premier tour d'observation, je trouve mon rythme de croisière et commence à dépasser des concurrents partis trop vite. 8 km de cross c'est long, et il faut bien doser l'effort.
Etant dans l’organisation de la course, je suis encouragé de manière presque continue sur tout le parcours par les bénévoles des différentes équipes, ainsi que par les filles du club qui participaient à la course précédente. Un concurrent me fera remarquer en me dépassant que ce n'était pas juste, c'était tout pour le même. Ces encouragements m'ont bien motivé à tenir jusqu'au bout.
Au troisième tour, je sens que ma chaussure reste collée dans la boue, de justesse j'arrive à la retirer. C'est un avertissement sans frais pour me rappeler qu'avec des pointes, il faut courir sur l'avant du pied.
A la troisième boucle, je commence à prendre un tour aux plus lents, et au 4ème c'est moi qui doit en concéder un au premier. J'ai le plaisir de m'écarter pour laisser passer un collègue du club, qui m'en remerciera. Il finira 2ème.
Le dépassement des concurrents attardés n'est pas évident, surtout dans les longs virages. Faut-il faire l'extérieur et dépenser de l'énergie ou rester derrière en attendant la prochaine ligne droite ?
Au 4ème tour, lors d'un franchissement de tronc, je sens mes pointes qui raclent l'écorce - autre avertissement sans frais, il faut me concentrer pour bien lever le genou.
Au 5ème tour, je sens une baisse de régime et me rends compte que dans le stress de l'organisation, j'ai oublié de manger à midi ! Tant pis, il faudra finir sur la réserve.
Depuis le 6ème tour, j'ai un collègue du club en ligne de mire et la distance qui nous sépare diminue insensiblement. Au milieu du 7ème tour, je le talonne et le dépasse. A 150 mètres de l'arrivée, j'entends des bénévoles qui crient "Fonce Alain !". Je me retourne et vois mon collègue qui a lancé son sprint. Je lance le mien et de manière étonnante mes jambes réagissent au quart de tour pour un finish éclair, reléguant mon collègue à 8 secondes sur la ligne d'arrivée.
Voici les temps de mes 8 boucles, relativement régulières à part la 1ère et la 7ème :
- 4'10
- 4'13
- 4'18
- 4'17
- 4'21
- 4'22
- 4'27
- 4'16
Je termine 22ème de ma catégorie sur 60 et 135ème homme sur 321 - ce n'est pas terrible, mais vu les circonstances je suis plutôt satisfait. Au Trophée lausannois, je suis 5ème sur 19 inscrits, place que j'espère pouvoir tenir jusqu'à la fin de la saison...
Après la course, je n'ai pas le temps de débriefer avec mes camarades, je vais immédiatement me changer, et 10 minutes après l'épreuve je suis à nouveau opérationnel pour la cérémonie de remise des prix et le démontage. Malgré la difficulté d'un long cross, j'ai bien apprécié de pouvoir vider mon esprit des contraintes de l'organisation pendant une petite heure et de goûter à la "marchandise" que j'ai préparée.
Cadeau souvenir : une sacoche
Presse
24 heures du 16.01.2014
24 heures du 20.01.2014