38ème Sierre-Zinal
Voici un CR qui a bien failli ne jamais exister. En effet, cette course ayant été un échec pour moi (la fin du CR est déjà dévoilée..), difficile de trouver de la motivation pour se remémorer ces heures pénibles et prendre du temps pour les relater. Néanmoins, avec une semaine de recul, je m'y suis mis. Ce CR ne sera par contre pas aussi étendu que je l'avais prévu.
La course Sierre-Zinal est considérée par beaucoup comme étant LA course de montagne à laquelle chaque coureur se doit de participer une fois dans sa vie, à l'instar du marathon de New York pour les courses "à plat". On l'appelle la course des cinq 4000, car on peut apercevoir cinq sommets de plus de 4000 mètres le long de son parcours, dont les cinq ensemble en un point unique du parcours, juste avant Ponchette. Ces sommets sont (de gauche à droite) : le Weisshorn, le Zinal Rothorn, l'Obergabelhorn (qui figure sur la médaille 2011), le Cervin et la Dent Blanche.
Pour ma part, ce sera ma seconde participation, la première datant de 1991, il y aura donc tout juste 20 ans. Je n'ai pas réussi à retrouver mon temps (en touriste) de l'époque, mais je me souviens de crampes à la montée de l'hôtel Weisshorn, des interminables courbes entre Nava et Barneuge ainsi que de la descente casse-pattes avant l'arrivée. Mon temps devait être supérieur à 5 heures. Pour la petite histoire, je venais de rencontrer Linda, qui ne courrait pas encore à l'époque, et qui m'avait pris pour un cinglé de faire une pareille course, sans s'imaginer que 20 ans plus tard, c'est elle qui y participerait.
Notre entraînement spécifique (mais sans plan formel) a débuté en juin par diverses ballades avec de gros dénivelés et la participation à deux "petites" courses de montagne (CR 28ème Tour des Alpages - Anzère (16 juillet 2011) et 39ème course Les Plans - Cabane de Plan Névé), dont les résultats sont loin d'avoir été spectaculaires. Nous avons aussi décidé de prendre nos vacances à la montagne, à Zinal même, afin de nous accoutumer à l'altitude, en plus du fait que j'adore cette région, pour y avoir passé plusieurs étés de mon enfance.
La semaine précédant la course s'est limitée à un entraînement de Footing en montant à la cabane Cabane Pt-Mountet , puis une courte reconnaissance du Final Sierre-Zinal et deux jours avant la course, un petit Footing + 3 accel + 1 colline. Étant sur place, nous aurons le plaisir de recevoir le vendredi Pascal et Catherine, qui logeaient à Grimentz, ainsi que le samedi Christian, coach du Footing, qui comme convenu nous a amené nos dossards remis à Sierre. Au menu : pâtes. Bizarrement, les dossards indiquaient les noms de famille plutôt que les prénoms.
Étant à Zinal la semaine précédant la course, nous avons donc pu assister aux préparatifs de sa mise en place. Entre Sierre-Zinal, l'affiche de la course se déclinera en toutes tailles et sur tous supports.
Le décompte des dernières centaines de mètres avant l'arrivée.
La zone d'arrivée. Anciennement, la ligne d'arrivée de trouvait sur la route de gauche, devant la crêperie "La Versache". Elle est maintenant sur le parking que l'on atteint en prenant le petit chemin de gravier à droite.
Les camionettes de Datasport, le site préféré des coureurs.
Ancien marquage sur la route qui séparait les arrivées des touristes et coureurs.
La veille de la course, nous nous rendons dans le "Race Office", qui est en fait un ancien mazot, décoré des affiches des éditions précédentes. J'en ressortirai avec une affiche grand format de l'édition 2011, qui orne depuis le mur de mon bureau.
Les temps de passage des gagnants des éditions précédentes.
La bouteille sera pour après l'épreuve, car selon notre habitude nous ne boirons pas d'alcool durant la semaine précédant une course.
La course Sierre-Zinal fait 31 km, avec plus de 2000 mètres de dénivelé. Elle peut être décrite en cinq parties distinctes : 1) la grande montée de Sierre à Ponchette, avec près de 1'400 m de dénivelé sur 7 km, 2) Ponchette-Chalet-Blanc (après Tignousa) qui est bien moins raide (300 m de dénivelé sur 10 km), 3) Chalet-Blanc-Nava, avec la montée à l'hôtel Weisshorn où l'on quitte les sentiers de terre pour passer à la rocaille, 4) Nava-Barneuge, un long faux-plat descendant de 7 km et enfin 5) la descente raide de 3 km sur Zinal.
Après de longues discussions, Linda a décidé de s'inscrire dans la catégorie Touristes et moi celle des Coureurs. Linda préférait ne pas avoir la pression compétitive de la catégorie Coureurs, avec l'inconvénient d'un départ à 5h, alors qu'il fait encore nuit. C'est donc à 21h que nous nous couchons le samedi précédant la course. Nos affaires sont prêtes. Vu la température, je mettrai le maillot court du Footing, plutôt que le nouveau T-Shirt technique au logo de Sierre-Zinal.
Linda se lèvera à 2h45 pour prendre le car pour Sierre à 3h30. Je n'arriverai pas à me rendormir. A 5h30, je me lève et prends un bon petit-déjeuner. Les garçons nous ont laissé un petit mot sympathique d'encouragement sur la table.
En me rendant devant la Poste, pour prendre mon car à 6h45, je parcours une dernière fois les 500 mètres de l'arrivée, bien confiant, sans me douter que je les franchirais dans la douleur quelques heures plus tard.
Dans le car, je retrouve Catherine et Pascal. Tous les coureurs tiennent dans un seul car, Linda me dira par la suite qu'il en aura fallu quatre pour descendre les touristes à Sierre.
Arrivés à Sierre vers 7h10, nous ne descendons pas à l'arrêt de Finges, près du départ, mais dans la zone industrielle où se trouve le garage Zwissig, où Catherine et Pascal doivent encore aller chercher leurs dossards. Une marche de 15 minutes nous sera nécessaire pour retourner à la zone de départ, mais nous avons encore bien du temps avant le départ de 9h00. En marchant nous croisons un car vide, à l'exception de Rachel qui nous fait des grands signes. Elle est montée dans le second car, parti vide de Zinal, et qui embarquait des coureurs en chemin, dont Rachel à Vissoie.
Sur la zone de départ, le soleil d'été commence à cogner et je poursuis ma routine d'hydratation/vidange habituelle, profitant de l'ombre qui couvre encore une partie de la route cantonale fermée pour l'occasion pour m'échauffer en solo.
Je croiserai plusieurs connaissances sur la zone de départ : Rachel, Stéphanie, Julie, Jean-Luc, Daniel, Pascal, Christoph. Julie m'informera que Linda est passée à Chandolin en 2h13, dans les temps prévus, ce qui me rassure.
A 8h45, nous allons nous placer derrière la ligne de départ, qui est déjà bien compacte et devient rapidement une fournaise. A 9h, le départ et lancé.
Contrairement à la Reco SZ - Sierre-Chandolin-St-Luc, nous emprunterons le tracé obligatoire des "Coureurs", qui débute sur la route du val d'Anniviers et se poursuit par l'ancienne route jusqu'à Niouc. Les touristes ont le choix d'emprunter ce tracé ou celui de la chapelle St-Antoine (que nous avons reconnu). Le premier tracé est en pente douce au début et devient raide entre Niouc et Bauregard, celui des touriste est raide d'emblée et s'adoucit un peu jusqu'à Bauregard. Linda a aussi choisi le tracé des Coureurs, plus sûr dans l'obscurité. Ce tracé est pour moi inconnu. Comme la pente n'est pas trop raide, je l'aborde en mode footing.
Durant le premier tronçon de montée jusqu'à Ponchette, je serai souvent proche de Stéphanie, qui des capacités et des objectifs (4h15-4h30) semblables aux miens. On nous voit au même niveau sur la photo ci-dessous, elle à l'avant-plan, moi à l'arrière-plan.
Aux passages étroits ou plus raides, la course bouchonne et nous force à marcher, ce qui n'est pas plus mal. Après Niouc, le chemin se raidit et, comme les coureurs qui m'entourent, je passe en mode marche. Je ne force pas sur cette partie, car je sais que ce sera encore plus raide après Beauregard, jusqu'à Ponchette. Il fait chaud et je regrette presque de pas avoir pris d'eau. Heureusement le premier ravitaillement à Beauregard arrive vite et j'avale un très grand gobelet d'eau (500 ml) ainsi qu'un demi-gel.
Comme prévu, la montée jusqu'à Ponchette sera rude en raison du fort dénivelé. Je suis un peu étonné de voir mes pulses déjà monter à plus de 160 en marchant, mais c'est aussi parce que le début a été effectué en courant. Lors des quelques courts tronçons plats, je préfère continuer à marcher pour m'économiser, plutôt que de courir comme le fait la majorité des concurrents autour de moi. Stéphanie en profite pour prendre le large.
Après 1h30 de course, le ravitaillement de Ponchette qui marque la fin du tronçon raide est atteint. Je m'y arrête pour boire encore et finir mon gel. J'y suis rejoint par un concurrent participant au Trophée lausannois, que je ne connaissais que de vue, et qui est tout étonné de me voir arrêté - il devait avoir une opinion un peu exagérée de mes capacités.
Alors qu'il repart en courant sur le chemin qui est maintenant en faux-plat montant, je me prépare à faire de même. A ma grande surprise, après quelques mètres, je dois me remettre à marcher, complètement essouflé. Je me dis que je n'ai pas encore complètement récupéré de la grande montée, et vais marcher encore peu. C'est donc en marchant vite que je vais repartir, me faisant dépasser par les autres concurrents qui semblent avoir mieux récupéré que moi de la montée. Alors que la route s'aplanit, je me remets à courir, mais c'est très dur et je suis vite essouflé, même au mode footing lent que j'ai pris, me faisant encore dépasser.
Je me rends compte qu'il y a un problème et attaque le second gel pour me booster, mais cela ne servira à rien. C'est donc en pleine galère que je poursuis cette course, et la chanson de Johnny Hallyday "M'arrêter là" tourne inlassablement dans mon esprit en plein doute. Dans ces conditions, j'envisage sérieusement d'abandonner au prochain ravitaillement, à Chandolin.
L'arrivée sur Chandolin se déroulant sur la première descente depuis deux heures de courses, c'est un peu moins dur et je décide de continuer jusqu'au prochain ravitaillement, à Tignousa, après avoir à nouveau bien bu et terminé mon second gel. La moitié de la course est effectuée.
Peu après Chandolin, je fais une chute, sans gravité, si ce n'est une écorchure au genou droit (voir la photo ci-dessous) et un bleu dans la paume de la main. En me relevant, je ressens un fort étourdissement et manque de retomber - je m'assieds quelques secondes en attendant que ça passe. Ces étourdissements se répéteront jusqu'à la fin de la course.
Je continue à progresser lentement jusqu'à Tignousa. Le chemin étant maintenant plus étroit, je dois fréquemment m'écarter et/ou m'arrêter pour laisser passer des coureurs plus rapides. Ce sera la cas pour Tiffany, une coureuse du Footing avec qui nous échangerons quelques mots. A Tignousa, je ravitaille à nouveau en eau et prends un 3ème gel. Il y aura un ou deux km après Tignousa où je me sentirai mieux et pourrai un peu relancer, mais ce sera de courte durée.
Après le Chalet-Blanc débute la montée sur l'Hôtel Weisshorn que je vais devoir attaquer en marchant. Au détour d'un virage, j'entends une voix crier "Allez Alain". C'est Raymond Corbaz qui m'a vu arriver de loin et je me force à courir jusqu'à sa hauteur. Il me tendra un bouteille de coca et j'en prendrai une gorgée. Le fait de m'arrêter et repartir provoque un nouvel étourdissement.
Durant la montée à l'Hôtel, je sens que mon quadriceps gauche commence à partir en crampe. Je le soulage un peu en reportant l'effort sur la jambe droite. Je profiterai des arrêts nécessaires pour laisser passer des coureurs pour masser mon muscle, évitant la crampe, mais au prix de plusieurs arrêts. Linda, dans la même situation que moi à cet endroit, s'arrêtera plusieurs minutes à l'Hôtel pour se faire masser, ce qui s'avérera efficace.
Arrivé à l'Hôtel, je ravitaille à nouveau et attaque mon quatrième et dernier gel.
J'y croise Nurià, coureuse du Footing, qui, comme moi, n'est pas à le fête. J'y croise aussi Christoph qui a abandonné en raison de douleurs dorsales (il avait annoncé au départ son intention d'abandonner si ses douleurs devenaient trop fortes). Malheureusement pour lui, il n'y a pas de rapatriement possible à cet endroit, il a rendu sa puce et doit quand même finir à pied. Je me dis donc qu'il ne me servirait à rien d'abandonner ici, et que je vais finir cette course, quel qu'en soit le temps. Je repars donc et Christoph m'emboîte le train, sans dossard.
Le chemin après l'Hôtel Weisshorn est caillouteux et comprend plusieurs pierriers. Avec mes étourdissements, j'ai un équilibre délicat et vais marcher sur ces sections. En plus des débuts de crampes aux quadriceps, j'en aurai aussi plusieurs aux adducteurs, qui me forceront à marcher en "canard", heureusement, elles ne dureront pas très longtemps.
Après Nava débute une longue section de faux-plat descendant, qui devrait permettre de courir, mais je ne peux le faire que par tronçons entrecoupés de marche ou d'arrêts pour libérer le passage. Ma FC diminue régulièrement, mais je suis toujours essoufflé, même à des allures de footing sur du plat. L'essoufflement se déclenche par bouffées toutes les 5 - 10 minutes, un peu comme de la fièvre, me forçant à ralentir. Je serais dépassé par Cristina sur cette section.
Je m'attends aussi à tout moment à être dépassé par Pascal ou Catherine, ce que ne se produira malheureusement pas, leur course sera encore plus galère que la mienne. Arrive enfin le dernier ravitaillement de Barneuge, qui précède la descente finale. Je sais qu'elle sera pénible, mais le plus dur est fait et que je vais terminer. Jusqu'ici, je n'avais affiché sur ma Garmin que la distance, l'altitude et la FC. Je me risque à regarder le temps et me rends compte que cela fait déjà 4h45 que je cours. Vu les conditions, je pensais arriver autour des cinq heures, mais je dois déchanter est ce sera plutôt sur une base de 5h15 - 5h20 qu'il faudra compter.
La descente, que j'avais reconnue, se fera au ralenti pour éviter les crampes. Julie m'y dépassera alors que je suis arrêté sur le bas-côté pour masser mon quadriceps. Même en courant en mode footing en pleine descente, je dois encore m'arrêter périodiquement pour reprendre mon souffle.
J'arrive finalement au bas de la descente pour être accueilli par Robin, qui m'escortera un bout, relayé ensuite par Tanguy, avec les encouragements au passage de ma famille, quelques amis et Stéphanie. Avec l'heure tardive, il n'y a plus grand monde à l'arrivée. La foule était là le matin pour les touristes, mais est partie après l'arrivée des premiers coureurs.
Ma famille a été très inquiète ne me voyant pas arriver dans les temps prévus et s'est imaginé le pire. Heureusement, Julie qui m'a précédé dans la descente a pu informer Linda de mon arrivée prochaine.
Je termine cette course en 5h17'54", soit une bonne heure de plus que prévu et dans les bas-fonds du classement. Je suis tellement épuisé qu'accompagné de mes garçons je vais juste prendre ma médaille et mon diplôme et rentrer tout de suite au chalet. J'y prendrai une douche rapide, puis ferai une sieste d'une bonne heure. Désolé pour tous ceux qui sont restés après la course et que je n'ai pas pu voir.
Linda, qui angoissait beaucoup avant la course, partira tranquillement, terminera la course en bonne forme, malgré une chute et quelques crampes. Elle le fera le temps honorable de 4h50', me battant pour la première fois depuis que nous courrons ensemble.
Sur une bonne partie de la course, je me suis juré que plus jamais je n'y participerai. L'investissement et les sacrifices consentis pour préparer la course, allant jusqu'à organiser nos vacances autour de la course, ont été mal récompensés, et ce que j'espérais être une fête s'est avéré être un calvaire.
Le plus frustrant pour moi sera qu'en analysant ma course, je n'ai pas trouvé de grosse erreur que j'aurais commise. L'entraînement était suffisant sans être excessif, de même que la nutrition puisque qu'ils étaient les mêmes que pour Linda. Je ne suis pas parti trop vite, puisque j'étais avec des coureurs de mon niveau, et me suis forcé à ralentir dans les passages les plus raides. J'ai bien bu et ingurgité quatre gels (contre trois au marathon de Lausanne). Ma forme physique était bonne, confirmée par le Test lactate fait peu avant. Quelques jours après, nous monterons à la Cabane Tracuit (3200m) et redescendrons en courant sans que je ressente la moindre défaillance. Difficile pour moi donc d'envisager de refaire cette course sans avoir compris ce qui n'avais pas été. Peut-être juste un mauvais jour, comme mon premier marathon, qui sera oublié lors de ma prochaine participation réussie.
J'en retire quand même les points positifs que je ne me suis pas blessé (les chevilles ont tenu, même dans les pierriers), n'ai pas gardé de séquelles comme après mon 1er marathon et ai eu le courage de terminer.
En conclusion, c'est le titre d'une autre chanson de Johnny que je retiendrai "Ce qui ne tue pas nous rend plus fort".
Cadeau souvenir : une médaille, un repas à la cantine (que je n'ai pas pris)
Presse
Journal de Sierre du 11.07.2011
Nouvelliste Web du 13.08.2011
Nouvelliste du 13.08.2011
24 heures du 15.08.2011
Nouvelliste Web du 16.08.2011
Nouvelliste du 16.08.2011