18ème Marathon de Lausanne
Voici ma seconde participation à un marathon et j’ai une revanche à prendre sur la première.
Ma tentative initiale remonte à 2004. A cette époque je participais à au plus deux courses par année : les 20 km et le quart ou semi marathon de Lausanne. Je m’entraînais plus ou moins intensivement en solo entre ces deux courses, avec une plus grande assiduité à l’approche des deux courses, mais aussi un certain manque de motivation après. Je m’étais alors donné le défi de courir un marathon. Sans avoir suivi un plan particulier, j’avais les semaines précédentes augmenté la charge et effectué deux sorties de 35 km qui ne m’avaient pas causé de problème particulier.
Le jour de la course je me sentais bien et avais pris une bouteille d’eau pour être plus autonome. J’avais suivi le ballon des 3h30 sans difficulté jusqu’au rebroussement de la Tour-de-Peilz. Au retour, après avoir traversé Vevey, vers le 25ème km, des crampes se sont déclenchées dans mes cuisses. J’ai été contraint de marcher jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Je pouvais ensuite recommencer à courir quelques hectomètres, après lesquels les crampes revenaient et me forçaient à nouveau à marcher. Ce retour sur Lausanne fût donc très pénible et surtout très long, me faisant dépasser par les ballons des 3h45, puis ceux des 4h00. Je terminai fourbu et dépité en 4h12. En sus, le fait d’avoir parcouru une si longue distance en boitillant a blessé mes genoux et j’ai été forcé d’arrêter la course pendant plusieurs fois, manquant les 20 km de l’année suivante. Il m’a fallu plusieurs années pour digérer cet échec et me motiver à repartir sur 42 km.
J’ai donc choisi ce marathon comme un de mes objectifs principaux de 2010 et me suis préparé en conséquence. Au début de l’année, j’ai suivi le "mini stage marathon" organisé par New Concept/Raymond Corbaz, qui m'a motivé pour retenter l'expérience.
Sans avoir suivi de plan d’entraînement très formel, j’ai profité des séances orientées marathon organisées par le Footing Club, en complétant les week-ends par des séances longues. J’ai notamment effectué une sortie longue de 30 km (Entraînement (endurance longue) ) trois semaines avant la course pour tester mes sensations, et elles étaient bonnes.
J’ai un petit peu forcé la main de Linda pour qu’elle s’y inscrive aussi, ce sera son premier marathon. Elle profitera bien aussi des conseils de coureurs expérimentés du Footing.
En ce dimanche matin où nous venons de passer à l’heure d’hiver, nous nous levons de bonne heure pour ingurgiter un copieux déjeuner. Il fait suite à plusieurs jours où nous nous sommes gavés de pâtes. La veille, nous sommes allés faire un dernier footing suivi de quelques accélérations pour garder les sensations de course.
Je visualise une dernière fois le parcours dans Google Street View, pour bien mémoriser les km, ainsi que les montées et descentes. Je l’ai aussi fait plusieurs fois à vélo cet été.
La préparation technique est plus élaborée que pour d’autres courses. Tout d’abord, je recouvre les zones de frottement de crème "magique" pour éviter d’être irrité. Je prépare ensuite la subsistance, qui sera composée de trois tubes de gel. Lors d’entraînements longs précédents, j’ai évalué les gels en sachets à déchirer, qui m’ont plombé l’estomac et englué les doigts. J’ai ensuite évalué les gels en tube de la Migros, que j’ai bien supportés. Ils sont pratiques, car on peut en prendre par petites gorgées et les refermer le cas échéant, sans en avoir plein les doigts. J’ai aussi prévu un paquet de sucres de raisin, en cas de grosse défaillance. Je vais les mettre dans les poches latérales de mon short long, plutôt que de mettre une ceinture que je trouve inconfortable. Lors d’une de mes dernières sorties, j’ai aussi testé cette « charge » dans le short et même si je l’ai ressentie en début d’entraînement, je m’y suis vite habitué. Linda optera pour la ceinture.
J’ai chargé mon mp3 de sport avec une playlist qui devrait me donner la cadence recherchée, avec quelques morceaux plus rapides en réserve pour éventuellement me remotiver ou effectuer une relance.
Nous allons parquer la voiture à mon travail, qui de manière pratique se trouve juste entre le départ et la tente du marathon.
La descente sur Lausanne se fait dans le plus grand sérieux : nous avons la boule au ventre.
Arrivés sur place, nous nous rendons directement au départ sur la place de Milan. En effet, nous sommes déjà allés chercher les dossards vendredi.
Nous n’effectuons pas de gros échauffement, pas nécessaire pour une telle distance.
La température est idéale à 10°, avec une forte couverture nuageuse qui devrait nous protéger du soleil direct. La météo n’annonce pas de pluie.
Le temps passe vite, nous discutons avec quelques connaissances, allons déposer le sac d’habits et effectuer une dernière vidange. J’avale la moitié de mon premier tube de gel et me rends sur la ligne de départ.
Je suis dans le bloc 1, Linda partira 4 minutes plus tard avec le bloc 2.
Je me place entre le meneur des 3h15 et celui des 3h30.
Mon objectif initial était de suivre le meneur des 3h30 et d’éventuellement lui fausser compagnie au retour selon la forme, ou au contraire m’accrocher à lui. Suite à diverses discussions avec d’autres coureurs, et l’entraînement de 12 km du Footing au rythme « marathon », j’ai revu mon objectif et vais viser un temps autour des 3h20 – 3h25 selon la forme, avec la solution de repli de me faire amener par le meneur des 3h30 en cas de défaillance.
Je croise ma "challenger" Steph sur la ligne de départ. Elle est pleine préparation pour le marathon de New-York et va se dégourdir les jambes sur les 10 km. Run, Steph, run, puisse tu avoir les mêmes bonnes sensations que moi en ce jour !
Bien que ce soit mon second marathon, je n’ai jamais couru de manière continue après le 30ème km, et cette zone reste pour moi encore inexplorée. Je vais donc devoir gérer d’une part mon envie de faire un bon chrono, et d’autre part la prudence requise pour assurer une fin de course sans défaillance.
A 10h10 le départ est lancé. Je joue « Wretches and kings » de Linkin Park qui me booste d’entrée sur ce départ.
C'est la vidéo du concert auquel j'assisterai le lendemain !
Le premier kilomètre est effectué à l’allure que je m’étais fixée, soit entre 4’45 et 4’52 au km. Le second km est constitué par la descente du Denantou et j’en profite pour lâcher les chevaux, ce sera ma dernière occasion (enfin presque), après il faudra s’en tenir à l’allure visée. Je vois le meneur des 3h15 s’éloigner insensiblement.
J’ai réglé ma Garmin sur un écran qui ne me donne que l’allure et ma fréquence cardiaque. Pour les kilomètres, les panneaux me suffisent, et je n’ai pas besoin de connaître mon temps de course du moment que je garde la bonne allure.
Les kilomètres défilent régulièrement et je vide mon premier tube de gel juste avant le ravitaillement des 5 km de Lutry, car il est nécessaire de bien « arroser » le gel d’eau pour qu’il soit digéré. A Lutry, je suis encouragé au passage par Raymond, puis et à Cully par Christian, mon coach habituel du Footing. Je maintiens mon allure entre 4’40 et 4’50 au km, en fonction des montées et descentes et des ravitaillements.
J’adopte une trajectoire optimale qui prend tous les virages à l’intérieur, ce qui fait que je me retrouve parfois seul d’un côté de la route, alors que le reste des coureurs est de l’autre côté.
A l’approche du 15ème km, j’avale le second gel, juste avant le ravitaillement.
A l’entrée Vevey, je ne peux savourer le passage de la tête de la course, car l’aller et le retour sont sur des tracés séparés à cet endroit.
Sur les quais je vois passer et encourage Magali di Marco Messmer, qui se bat et remportera son premier marathon, en souffrant bien plus que moi.
Nous arrivons ensuite à la Tour-de-Peilz et mes jambes commencent à chauffer un peu. A l’approche du point de rebroussement, je bascule l’écran de ma Garmin et constate que je passe au semi en 1h40, soit un temps projeté de 3h20.
Je vois aussi passer le meneur d’allure des 3h15 et en profite pour mesurer l’écart : il n’est que de deux minutes. J’hésite un instant à faire le forcing pour le rattraper, mais la raison l’emporte et je renonce.... la suite me dira que j’ai eu bien raison.
Après avoir rebroussé chemin, je profite aussi pour mesurer mon écart avec le meneur des 3h30, et j’ai quatre bonnes minutes d’avance, je n’ai pas à m’inquiéter qu’il me rattrape.
En progressant sur le retour, je croise Yves, puis le meneur de 3h45, et par loin derrière, Linda, Philippe et Didier. Linda est toute souriante, et je suis hyper-confiant pour elle.
En repassant par le Tour-de-Peilz, je suis encouragé par quelques connaissances qui se préparent à courir le semi et sont venus en avance pour nous voir passer : un grand merci à vous tous !
Au retour sur Vevey, je commence à dépasser quelques concurrents qui faiblissent. Peu avant de quitter cette ville, j’absorbe mon dernier gel avant le ravitaillement des 25 km, où je bois un gobelet d’eau et un isostar. J’ai fait tous les ravitaillements en mode « volant » pour éviter de m’arrêter ou marcher et ne plus être capable de repartir.
Je passe à l’endroit où j’avais ressenti mes premières crampes en 2004 et me dis que la revanche est un plat qui se mange froid.
A la montée sur Corseaux, la fatigue commence à se faire sentir, mais la volonté est toujours inébranlable.
Ma FC est maintenant régulièrement en dessus des 160 et il va falloir que je me ménage un peu pour terminer dans de bonnes conditions. Je diminue donc la cadence pour osciller à partir de maintenant entre 4’50 et 5’00 au km.
Sur la longue portion de « semi autoroute » entre Rivaz et Treytorrens, un fort vent de face se met à souffler et je me mets à l’abri derrière d’autres coureurs pour ne pas être gêné.
Paradoxalement, la course commence à s’animer un peu, avec le dépassement des concurrents qui faiblissent et le dépassement par ceux qui ont misé sur le « negative split ». Plusieurs concurrents que je dépasse sont arrêtés ou marchent, j’ai un pincement au cœur en me revoyant dans leur situation il y a six ans.
Je passe le 30ème km et son ravitaillement, mes jambes deviennent de plus en plus lourdes. Mais je sais que le gros et fait et qu’il ne me reste « plus que » 12 km.
Les kilomètres continuent à défiler, mais subjectivement moins vite qu’à l’aller.
Au passage à Cully, je suis à nouveau encouragé par Raymond, je lui fais signe que tout est OK.
A la sortie de Cully se trouve le panneau des fameux 35 km, où la « vraie » course est censée débuter. Ca commence à être dur, mais je n’éprouve pas de sensation de mur. Je passe Villette et arrive sur Lutry. Je cours les pavés que j’ai foulés il n’y a pas si longtemps à la course des Singes, mais à une toute autre allure.
Je prends mon dernier ravitaillement à Lutry. Il ne reste plus que 4 km, je pense que c’est gagné, à moins d’une crampe ou d’un autre problème mécanique. Bien que les douze derniers kilomètres aient été durs, je ne me suis jamais dit « qu’est-ce que je fais là ? » ou « j’ai envie d’arrêter !», pensées que j’ai eues bien souvent sur d’autres courses plus courtes. J'ai couru tous ces kilomètres comme une machine, l'esprit concentré sur les chiffres de l'allure moyenne et rien d'autre..
La suite du parcours, je pourrais la faire les yeux fermés, l’ayant courue tellement de fois, que ce soit en entraînement ou lors des quarts et semis précédents.
J’effectue mon kilomètre le plus lent en 5’07 à la sortie de Lutry, en raison du ravitaillement et de la montée qui suit.
C’est ensuite la dernière montée en passant devant le collège des Chamblandes, pour boutir finalement à la grande ligne droite de l’av. du Général Guisan qui nous amène presqu’à l’arrivée.
Sans la moindre raison, en écoutant "Iridescent", je laisse échapper à cet endroit un sanglot d’émotion, j'ai les larmes aux yeux et la gorge nouée . La congestion qui va avec entrave mon souffle et je me reprends vite pour assurer la fin de la course.
J’ai la surprise sur ce long tronçon de voir au bord du tracé Bernard, un coureur du Footing, en trottinette. Il va m’accompagner et m’encourager sur quelques centaines de mètres, me reboostant et me faisant oublier un instant ma souffrance. Linda me racontera qu’il a fait de même avec elle. Merci Bernard !
J’enchaîne ensuite le virage à gauche qui entame la petite descente de la Tour Haldimand, qui précède la ligne droite d’arrivée. Nouvelle surprise, j’y retrouve mes deux garçons, en trottinette aussi. J’avais prévu de finir la course avec le morceau bien nommé « In the End », mais je clique sur « forward » et ma playlist boucle pour remettre « Wretches and Kings ».
Complètement boosté, avec mes fils, en vision périphérique, qui poussent à fond leur trot’ sur le trottoir, je lance mon sprint avant même d’être entré sur la ligne droite finale. J’avais l’impression que rien ne pouvait m’arrêter et ai dépassé une bonne dizaine de concurrents. Mes enfants m’ont dit après qu’ils avaient eu de la peine à me suivre ! Merci à eux !
Sur la ligne de finish, ma FC atteint 179, la plus haute valeur que j’aie jamais mesurée…
Je passe la ligne d’arrivée en 3h23’52. J’ai perdu quelques minutes au retour, mais ai quand même fait bien mieux que mon objectif initial de 3h30.
Je finis 101ème de ma catégorie sur 437 classés et 225ème homme sur 1163 classés. Je récupère ma médaille et rend la puce agrafée sur mon dossard. Maintenant que je suis arrêté, mes jambes sont très douloureuses.
Mes garçons me passent un pull et repartent vers la Tour Haldimand pour attendre Linda.
J’ai trop mal et je m’assieds un moment. Mauvaise idée, ce sera très difficile de me relever. J’attends les concurrents qui arrivent au compte goutte.
Je m’attends à voir arriver Yves, et j’ai l’énorme surprise de voir à la place arriver Linda. Nous nous embrassons et laissons couler quelques larmes de joie et de soulagement d’y être arrivés.
Linda a couru comme sur un petit nuage. Après s’être freinée sur la première moitié, elle s’est distancée de ses compagnons de route pour rattraper le meneur des 3h45 (qui était parti dans le premier bloc, soit avec 4 minutes d’avance). Etant bien, elle a ensuite aussi faussé compagnie un meneur pour finir en solitaire dans un temps canon de 3h37. Je suis très fière d’elle et elle était aux anges d’avoir si bien réussi son premier marathon. Il faut dire qu’elle avait beaucoup douté d’elle et de sa capacité à maîtriser une telle distance.
Nos jambes sont maintenant très douloureuses et c’est en boitillant que nous rejoignons la tente du marathon, en croisant au passage Nathalie et Lucie, venues encourager Max « le squelette » sur le semi. Nous ne sommes pas en état de rester pour assister à l’arrivée du semi et décidons de rentrer après avoir récupéré notre sac d’habits et le T-Shirt technique.
Dans la voiture, au retour, je me rends compte que j’ai oublié de faire valider ma course pour le Défi sportif lausannois – ce n’est pas grave, j’ai déjà effectué le nombre minimal d’épreuve requis. Au retour, bonne douche et apéro, puis il faut attaquer les classements pour le Footing. Avec près de 9000 classés, ce sera un travail important, terminé juste à temps pour le souper. Il y a eu 84 coureurs du Footing qui ont participé au marathon, semi ou quart.
En téléchargeant les données de ma Garmin, je constate que j’ai couru 260 km durant ce mois d’octobre, qui est de loin le total le plus grand que j’aie mesuré, et aussi probablement depuis que je cours.
Je vais me coucher de bonne heure, car la journée du lendemain sera chargée, avec le concert de Linkin Park à Zurich le soir.
Le lendemain de la course, au moment où j’écris ces lignes, mes genoux sont encore très douloureux, j’espère que ce n’est que passager, et que je ne vais pas en souffrir plusieurs mois comme en 2004
Trois jours après, mes douleurs au genou gauche se sont bien estompées. et je peux écrire "Mission Accomplished" !
Cadeau souvenir : Une médaille et un maillot technique.
Télévision
La Télé - Sports du 01.11.2010
La Télé - Sports du 02.11.2010
On m'y voit en arrière-plan, vers 1:45 puis vers 2:15, entre les deux coureurs interviewés, avec une veste noire.
Presse
Le Régional du 13.10.2010
24 heures du 27.10.2010
24 heures du 28.10.2010
24 heures du 29.10.2010
24 heures du 01.11.2010
20 Minutes du 01.11.2010